Objectif Sauver les plantations
La lente dégradation des plantations met aujourd'hui en péril la ressource. Avant qu'il ne soit trop tard, l'industrie du chocolat révise sa stratégie en profondeur.
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Les producteurs de cacao ont été pendant des décennies les grands oubliés de l'économie du chocolat. Des générations de planteurs se sont exténuées à la tâche, touchant un salaire dérisoire permettant tout juste aux familles de subsister. Mais les temps changent. « Il faut mettre fin à ce système dans lequel l'argent et les bénéfices sont bloqués d'un côté de la chaîne alors qu'à l'autre bout les gens sont maintenus dans une extrême pauvreté », confiait en octobre 2014 Andreas Jacobs, Président de Barry Callebaut (1).
Il est possible d'améliorer le rendementet la qualité de fermentation, enaugmentant la rémunération des planteurs.
Maillon faible Rassurez-vous, l'industrie n'est pas en train de se reconvertir dans l'humanitaire. Elle prend seulement conscience de l'état de fragilité du premier maillon de la chaîne sur lequel elle repose. Méthodes de culture et de fermentation archaïques, transfert technologique quasi inexistant, parcs de cacaoyers en piteux état… les plantations ne produisent plus suffisamment. Avec une demande mondiale en cacao qui dépasse désormais les capacités de production (du fait notamment de la consommation croissante en Chine ou en Inde), la pénurie guette et les prix grimpent. Les terres étant peu extensibles, les petites exploitations peu rentables sont en passe de disparaître. La fuite des jeunes générations (qui ne veulent plus travailler comme leurs aînés), la compétition par d'autres cultures plus rémunératrices (hévéa par ex.), la dégradation de l'environnement (déforestation, perte de biodiversité) et le blocage de l'ascenseur social (éducation, transmission du métier) montrent qu'il y a urgence à agir pour moderniser les exploitations et encourager les populations à rester sur place.
Repères • Production mondiale de fèves de cacao : 4,2 Mt (la demande devrait atteindre 4,5 Mt en 2020). • 40 millions de personnes dépendent de la culture du cacao pour vivre. • 90% de la production mondiale de cacao proviennent de 5,5 millions de petites exploitations familiales.
Nouvelle donne Après avoir mené diverses certifications durables sur de rares exploitations (Fairtrade Max Havelaar, Rainforest Alliance, Agriculture Bio…), l'industrie du chocolat a décidé de coordonner ses efforts et d'investir plus lourdement. Les plus grandes firmes internationales (Barry Callebaut, Cargill, Mars, Nestlé, Mondelez, Ferrero…) se sont entendues sur une stratégie commune sans précédent (CocoaAction) pour soutenir la production du cacao et améliorer les moyens de subsistance des cacaoculteurs en Côte d'Ivoire et au Ghana (60 % de la production mondiale). Le leader mondial Barry Callebaut (5,9 milliards de chiffre d'affaires, 9 300 collaborateurs) annonçait pour sa part la création de la fondation Cocoa Horizons à l'automne 2015 (9,4 millions d'euros de budget de fonctionnement en 2016). « La fondation poursuit deux axes prioritaires : la formation et le soutien financier et matériel afin d'aider les producteurs à mettre en place de bonnes pratiques agricoles et la collaboration avec les communautés rurales en vue d'améliorer l'éducation, la protection des enfants, l'autonomie des femmes, l'accès à l'eau potable et aux services de santé de base », indique Jens Rupp, responsable de la communication RSE (Responsabilité Sociétale d'Entreprise) chez Barry Callebaut.
Au plus près de la source Le challenge consiste à sortir d'un système de rémunération indexé uniquement sur le cours du cacao et à éviter tant que possible les intermédiaires (coopératives et négociants), car plus l'acheteur est éloigné du fournisseur, moins il peut agir sur les ressources ou les communautés. Engager un lien commercial direct et durable avec les planteurs : tel est l'enjeu stratégique des fabricants de couvertures. Puratos (Belcolade) a par exemple mis en place en 2013 un programme de durabilité (Cacao-Trace) pour sa fi lière Vietnam en construisant son propre centre de collecte et de fermentation dans la région du Delta du Mékong (voir La Toque n°256, p.60). « Cette implantation privilégiée nous permet d'acheter les cabosses directement aux producteurs, de sélectionner les meilleures fèves et de procéder à la fermentation selon nos propres exigences de qualité. Nos ingénieurs transmettent les bonnes pratiques agronomiques pour améliorer le rendement des exploitations et obtenir un cacao de meilleure qualité, tout en protégeant l'environnement. Les producteurs sont récompensés de leurs efforts grâce à une rémunération qui se compose d'une base (indexée sur le cours du cacao), d'une prime (variable selon la qualité livrée) et d'un bonus (en fonction des profits réalisés par l'entreprise) », explique Pauline Deswarte, chef de groupe Pâtisserie-Chocolat chez PatisFrance-Puratos.
Le concept Or noir de Cacao Barry permet de se démarquer avecun chocolat signature.
Excellence durable Le développement durable profite donc non seulement aux transformateurs et aux producteurs, mais aussi aux pâtissiers-chocolatiers. « Faire le choix des couvertures Cacao-Trace, c'est l'assurance d'obtenir un chocolat au goût unique et de qualité constante, tout en bénéficiant d'un approvisionnement sécurisé, tracé et transparent, autant d'atouts qui donnent à l'artisan le moyen de se différencier et de répondre aux attentes de ses clients », reconnaît-elle. L'achat en direct joue clairement en faveur des petits exploitants et donne aux terroirs d'exception une chance d'exister. Cette stratégie offre ainsi à l'artisan des chocolats aux notes aromatiques vraiment singulières lui permettant de surprendre sa clientèle. En choisissant les chocolats de plantation (par exemple les « Grands Crus de Terroir » de Valrhona, les « Premiers Crus de Plantation » de la Manufacture Cluizel, les « Pures Plantations » de la Chocolaterie de l'Opéra… voir quelques exemples dans l'encadré), le chocolatier peut soutenir ce modèle économique émergeant, tout en rentabilisant ce choix de l'excellence par une communication judicieuse. Aussi les fabricants ont-ils mis au point des outils d'accompagnement pour que les professionnels talentueux puissent mieux choisir leurs couvertures et améliorer leurs connaissances du produit.
D'une culture à l'autre « Les arômes de Cyrano » (Puratos–Belcolade) est un outil de cartographie aromatique qui facilite l'identification des arômes majeurs de chaque origine, stimulant ainsi la créativité et l'expertise du chocolatier. Avec « Or noir » (Cacao Barry), il peut aussi créer son propre chocolat en jouant sur sept notes principales (aromatique, fruitée, lactée…) et vingt secondaires (épicé, fleuri, réglisse…). L'entreprise propose aussi depuis peu une plateforme (CacaoCollective) dédiée à l'information, à l'inspiration et à la créativité (2). Finalement, plus l'artisan affinera sa culture du chocolat, plus il participera à l'avènement d'une culture de cacao durable.
(1) Quand le monde sera privé de chocolat, F.Thérin, « Les Echos », 29 oct. 2014. (2) www.cacao-barry.com/cacaocollective
par Armand Tandeau (publié le 25 mars 2016)
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